Depuis plus de deux décennies, les jeunes sorties des écoles de formation ont oublié les problèmes de chômage, mais ils sont confrontés à une autre réalité. C’est le phénomène des affectations à tête chercheuse. Beaucoup de jeunes diplômés et formés n’arrivent pas à exercer dans de bonnes conditions, surtout au niveau de l’enseignement. Au lieu qu’ils exercent dans leurs zones d’origine, leur tutelle les balance sans salaire loin des leurs. Une situation qui suscite des pleurs et grincements de dents.
Simone est sortie de l’ENIEG de Ngoumou en 2010 après une formation douloureuse et coûteuse. Ayant déjà passée 2 ans à la maison, à la charge de son mari au chômage et de sa famille, elle est finalement affectée à l’école maternelle de Nko’o-Etié par Ebolowa dans la région du Sud du Cameroun.
Au moment où elle est affectée comme directrice de l’école, Simone est enceinte. Elle va bénéficier d’un congé de maternité au prix de longues négociations. Lorsqu’elle accouche, le Minedub insiste et décide de la voir à son poste d’affectation, malgré les requêtes dans lesquelles elle souhaiterait rester à Yaoundé à cause de son état.
Pris au piège, Simone dit au revoir à son mari Abakar et descend à Nko’o-Etié avec un bébé de 3 mois en main. Elle est seule dans cette aventure qui commence mal. Et sur place, il n’y a pas d’eau potable dans le village ni d’électricité. Par ailleurs, l’établissement dispose d’un studio qui sert de bureau administratif, mais que la directrice peut utiliser comme un domicile. Elle a refusé de jouer à ce jeu. Son bébé ne pouvant pas vivre dans ce milieu inconfortable, Simone décide de loger à Ebolowa, qui se trouve à 15 kilomètres de son école.
Pour se rendre dans son établissement chaque matin, la directrice doit payer son transport. Faute de véhicule, elle s’est arrangée avec un moto-taximan de la localité. Ce dernier lui a demandé 1000 francs par jour en aller et retour. Au début, l’affaire marche bien, mais plus tard, elle sera confrontée à d’autres réalités. Les policiers et gendarmes qui n’ont pratiquement rien à brouter dans l’arrière-pays, ont pris en sandwich le jeune homme qui a entrepris d’accompagner Simone à l’école. Ne pouvant pas résoudre leur demande, Papy le conducteur de la moto a abandonné la route de Nko’o-Etié.
La directrice a engagé un autre jeune qui a eu les mêmes difficultés, finalement elle s’est rendue chez le commandant de compagnie, pour qu’on lui colle la paix. Ce n’est qu’après cette démarche qu’elle a pu avoir la possibilité de se rendre à l’école sans heurts. Mais malgré le contournement de cet obstacle, les vrais problèmes resteront entiers, elle n’a pas encore de salaires. Elle doit compter sur son mari au chômage et sur sa famille, pour survivre avec sa fille.
Sa maison à Ebolowa lui coûte 25.000 francs par mois, et il a fallu payer 6 mois d’avance pour retirer les clefs de la porte centrale. Elle doit manger, son bébé vide deux boîtes de lait par semaine et il lui faut une palette d’eau par mois pour éviter le choléra à l’enfant. Le transport comme on l’a dit exige plus de 20.000 francs par mois, sans compter qu’elle a d’autres besoins quotidien de femme.
Un bébé de 3 mois à la maternelle
A l’école de Nko’o-Etié, Simone est directrice et maîtresse à la fois. Il n’y a pas d’autres enseignants pour l’aider à diriger cette école de brousse. Pourtant, d’autres fils et filles de ce village ont eu la même formation, mais ils ont été jetés dans la région du Nord, sans trop savoir pourquoi et comment. Alors qu’il y a une décision qui veut que les enseignants sortis des écoles aillent enseigner chez eux, le Minedub a décidé de punir les jeunes. Certainement parce qu’ils voulaient à tout prix travailler. Les gens du Centre et Sud vont à Mora, Tcholiré et Figuil, alors qu’il y a des écoles chez eux dans le Sud.
En dehors de tout ce qu’elle éprouve comme besoins et difficultés à la base, Simone fait face à une autre situation plus grave.
Etant donné qu’elle vit seule à Ebolowa, la directrice est obligée de dispenser les cours en présence de sa fille dans une poussette qui est installée dans un coin de la salle de classe. Au point où lorsque le bébé pleure, elle est obligée d’arrêter sa leçon pour donner le lait à l’enfant.
Comment donc le ministère de l’Education de Base peut-il admettre ce genre d’ennuis, non seulement à l’établissement, mais encore à la mère du bébé ? Au lieu d’affecter les maîtresses et les maîtres là où ils se sentiraient à l’aise et entourés des les leurs, la tutelle ne fait que fabriquer de vrais rebelles depuis des années.
A écouter les vacataires qui sont confrontés à la mafia de l’Education, ils n’arrivent pas à faire leur job.
Les enfants de la région du Nord n’aiment pas l’école, et ils sont aidés dans cette démission par leurs parents, qui préfèrent les voir dans leurs champs et élevages. Ils disent que l’école ne peut rien leur apporter, ce sont les plantations et le bétail qui produisent des revenus pour la famille et non l’école. C’est ce qui explique le taux d’analphabétisme très élevé dans la région du septentrion.
Or, aux dires de certains, à l’époque d’Ahidjo, lorsqu’un enseignant se déplaçait pour le Nord par exemple, non seulement il voyageait par avion, mais en plus, il avait un salaire conséquent. Dans ces conditions, il ne pouvait pas se lamenter au bord de la route, comme ceux qui sont pratiquement abandonnés à eux-mêmes aujourd’hui.
Jean Charles Jérémie
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